Rupture et deuil : ces séances qui transforment les émotions en énergie de compréhension et d’action

July 19, 2024

Bonjour Patricia je suis très heureuse de te retrouver, on s’était déjà rencontrées pour une interview par rapport à tes mission pour les professionnels.
Aujourd'hui on se revoit pour que tu nous expliques comment tu accompagnes les particuliers face au deuil.
Je veux bien que tu te présentes à nouveau :



Merci beaucoup Élise pour ta confiance, en rééditant cette interview.
Je suis Patricia Ferrante, je suis la fondatrice d’enVie et j'accompagne les adultes en deuil ou en rupture de vie vers un nouvel équilibre harmonieux et à retrouver leur envie de vivre.
Ancienne avocate, je suis sophrologue depuis 15 ans et également formée à la thérapie d’acceptation et d’engagement.

La spécialisation à l’accompagnement au deuil est le résultat de mon histoire de vie, du constat dans ma clientèle que des deuils non métabolisés freinaient les gens dans leur épanouissement et des formations sur le sujet.


Est-ce que tu pourrais nous expliquer la nuance entre deuil et rupture de vie ?


Je parle de deuil lorsque j’aborde le processus de deuil qui s'enclenche à la suite du décès d'une personne avec laquelle on a développé un lien d’attachement.

Les ruptures de vie sont plutôt les pertes du quotidien qui viennent secouer voire faire exploser nos points de repères comme une séparation, un divorce, un licenciement, un déménagement forcé, l'annonce d'une maladie grave. L’ensemble de ces situations peut déclencher de profondes crises identitaires et un sentiment d’insécurité.



Et est-ce que du coup il y une nuance dans l'approche d’accompagnement ?



Alors oui, je tiens compte d’une différence fondamentale. Dans le deuil suite au décès d’un proche, la rupture du lien sensoriel est définitive : on ne peut plus lui parler, le toucher, le sentir, l’entendre et il ne reviendra pas.

 
Pour les autres pertes, il est possible de maintenir un lien physique avec un.e ex ou un lieu, voire de conserver, plus ou moins consciemment, un espoir que ça se produise.

© Patricia Ferrante, fondatrice d’enVie, accompagne les adultes en deuil ou en rupture de vie



Ce qui peut empêcher le deuil et quelque part le rallonger ?


Je pense que parfois ça fait partie intégrante du processus. Le conflit est une façon de rester en lien et certains restent longtemps dans une situation conflictuelle. Et puis, à un moment, la situation se débloque et les liens s’apaisent : ça peut être une décision judiciaire, ça peut être le fait de s'asseoir et d'avoir trouvé une solution pour un enfant, ou toute autre chose d’ailleurs. Les gens vont basculer dans un autre type de relation, mais à travers ces années de conflit ils ont quelque part usé la colère et toute la charge émotionnelle qui était liée à la décision de séparation, et ces émotions sont importantes à vivre.



Tu veux dire qu’il faut plutôt accueillir les émotions, plutôt que les rejeter ?

Quelle que soit la perte,  je crois qu’il est essentiel de ne pas refouler les émotions : toute émotion refoulée revient sous une forme ou sous une autre, avec beaucoup plus de véhémence.

Tenter de contenir une émotion c’est « lutter contre ce qui est ». Nous le faisons pour les empêcher d’impacter qui nous sommes, comment nous fonctionnons et l’image que nous donnons de nous aux autres. Or pour pour ça, il faut développer des stratégies d’évitement (silence, repli, agressivité, addictions, conduites à risques, etc.) qui, en fait, aboutissent à ce que nous voulions éviter : nous nous éloignons de qui nous sommes. En plus, « lutter contre »  est énergivore or notre énergie va là où nous posons notre attention !


Alors « accueillir », oui. J'aime bien dire « entrer en amitié » avec ses émotions – une expression empruntée à la moniale bouddhiste Péma Chödrön,. Je trouve ça très beau « entrer en amitié avec ses émotions ». Nos émotions ne sont ni négatives ni positives, elles sont les messagères de nos états intérieurs. Donc plus on les écoute, et plus on les remercie de nous transmettre leurs messages, et plus on peut les transformer en énergie de compréhension et d’action. Je ne dis pas que c'est facile, notamment dans le cadre du deuil où elles peuvent être fortement inconfortables, surprenantes et intenses.



C'est super intéressant parce que à contrario, lorsqu'on est dans ce genre de situation, on a l'impression que ça ne s'arrête pas et on aurait tendance pour que ça s'arrête à vouloir les bloquer.


En fait on a souvent l'impression qu'on ne s'en sortira jamais, que ça va s’accentuer et nous submerger et qu'on va tomber si bas qu'on ne se relèvera pas. On se sent accablé et désemparé.

D'où l'importance d'être accompagné pour apprendre à ne plus s'effrayer de nos émotions, et à les accueillir avec douceur et bienveillance. Cela se fait dans un espace sécurisé pour qu'ensuite la personne puisse le faire elle-même dans son quotidien, de manière autonome.

 
En fait ça fait partie de ce qu'on appelle les 5 étapes en général ?



Ces 5 étapes de deuil, connues par le plus grand nombre, ont été développées par Elisabeth Kübler Ross. C'est important de garder à l'esprit qu’elles s’appliquent au processus de la fin de vie.

Après le décès d’un proche, le processus est maintenant présenté différemment, plutôt sous forme de phases et de « tâches ». Ce qui me semble important à retenir, c’est que le choc du décès active une phase de sidération qui s’ouvrira sur une phase de déstructuration au cours de laquelle les émotions déferlent, la tristesse devient reine et guérisseuse bien qu’effrayante et que, petit à petit, l’endeuillé se restructure, du mieux qu’il le peut en intégrant la relation à son histoire de vie.

On doit quand même garder à l'esprit que chaque deuil est unique et, surtout, non-linéaire : ces phases s’entremêlent. Lorsque les endeuillés ont  l'impression qu’il ne s'en sortiront jamais, elles sont là comme un phare au milieu d'un océan. Elles aident les accompagnants à légitimer le vécu des endeuillés et à maintenir l’espoir de lendemains plus doux.




Ce qui m’interpelle, c'est que le deuil après la maladie est attendu en fait, et le deuil qui est inattendu peut être un choc et peut provoquer un déni plus marqué ?


Dans tous les cas, la confrontation à la mort est un choc. Je pense aussi qu'il y a pas de gradation objective dans la souffrance, il y a trop de facteurs endogènes et exogènes a l’endeuillé en jeu.


Il est quand même reconnu que notre capacité d’adaptation face à l’annonce d’une mort brutale est différente. Le cerveau n’a pas eu le temps de se préparer et les gens peuvent rester plus longtemps dans les premiers temps du deuil, en état de crédulité et d’ « attente » que tout redevienne comme avant.

La culpabilité est bien souvent l'émotion centrale du deuil © Pexels


On peut aussi culpabiliser face à une perte ?



Alors, la culpabilité est bien souvent l'émotion centrale du deuil.
Quoi que l'on ait fait ou pas, dit ou non, on se demande si on a été « suffisamment » bon et bien et si on aurait pu faire les choses autrement.

La culpabilité peut parfois être structurante pendant un temps et il ne faut pas y toucher dans ce cas. Elle donne du sens là où l’endeuillé n’en voit pas !


Revisiter la relation comme nous le faisons en séance permet d’objectiver les choses et aussi de porter son regard sur tout ce qui s’est bien passée et qui a aidé à construire la relation et chacune des 2 personnes.



On ne se pose pas forcément les bonnes questions, et sans accompagnement on aurait tendance à vouloir essayer de s'en sortir tout seul, et on ne vit pas tout le processus


L’accompagnement n'est pas une obligation dans le deuil et l’un des facteurs favorisant son déroulé est l’entourage lorsqu’il est suffisamment disponible émotionnellement pour pouvoir nous écouter et nous soutenir.

Je remarque tout de même que rares sont les personnes qui ont le soutien de leur entourage sur la durée. 

Or un processus de deuil avorté ou malmené conduit à un équilibre de vie tremblotant. L’accompagnement, lui, s’inscrit dans la durée. Il aide à retrouver un équilibre harmonieux et l’envie de vivre tout en sortant de la survie.



Est-ce que tu peux expliquer de quelle manière tu interviens auprès de ces personnes qui restent justement, face à ce genre de situations, quels programmes tu proposes ?


J'ai décidé de proposer des parcours d’accompagnement pour pouvoir soutenir les endeuillés dans la durée car le processus de deuil est bien plus long que ce qu’on pense, avec des hauts et de gros bas. Ça me permet de rester disponible entre les séances et de personnaliser les accompagnements tout en les inscrivant dans un cadre rassurant et flexible.

J'ai trois parcours d'accompagnement. Le premier, assez court, vise à écouter et légitimer le vécu des endeuillés tout en les stabilisant émotionnellement. Il a d’abord été pensé pour les personnes entre, environ, 6 et 15 mois de deuil, moments où les émotions deviennent subitement plus intenses et déstabilisantes. Après plusieurs demandes d’accompagnement par des personnes en début de deuil que je n’ai pas eu à cœur de refuser, j’ai aussi adapté une version de ce parcours à leurs besoins.


Ensuite vient un parcours un peu plus long où l’on va continuer à apprivoiser ses émotions, à apprendre à les traverser, à les transformer, et où l’on va pouvoir commencer à revisiter la relation. Parce que le processus de deuil est tout sauf un processus d’oubli, c'est un processus qui va viser à intérioriser la présence de l’autre.  Pour ça, on va, en séance, retrouver des moments de vie passés pour voir en quoi cette relation nous a construite, ce qu'on en garde, ce que cette personne ou cette relation nous a laissé comme héritage émotionnel.

Enfin, un 3ème parcours aide au redéploiement. Rien ne sera plus jamais comme avant : ce vécu nous pousse à redéfinir les valeurs et les priorités de demain en fonction de notre héritage et des forces intérieures qui se sont révélées au cours de ce processus. C’est aussi là que nous explorons le pardon quand il est au rendez-vous.


Quelle est la méthode que tu utilises ?



Je suis sophrologue et j’ai donc une approche psychocorporelle. Une place est tout de même laissée à la parole car les endeuillés ont besoin de parler, surtout lorsqu’ils sont peu ou mal entourés. Je profite de ces moments pour les rassurer sur leurs éprouvés lorsque c’est nécessaire. 

Ensuite, place au corps qui est le premier touché  et où s’inscrivent les chocs et les émotions contenues. Le corps est aussi important car toute émotion et toute pensée à une manifestation physique. C'est beaucoup plus simple de comprendre comment on fonctionne à travers les messages que le corps nous envoie, que de commencer à vouloir aller désamorcer ou canaliser, ou comprendre une pensée qui a tendance à s’emballer.

En apprivoisant leur respiration et par des mouvements doux, les endeuillés ressentent à nouveau les sensations corporelles, la présence du corps et ses agitations. A partir de là, ils peuvent jouer avec leur corps pour l’apaiser. On travaille en état modifié de conscience. C'est intéressant parce que les choses émergent sans la censure du mental ou de nos croyances. Les gens renouent à leurs ressources intérieures et à des sentiments de sécurité intérieure, de tranquillité, d’énergie et à tant d’autres qu’ils pensaient perdus. C’est aussi à travers ces séances qu’ils reconnectent à leurs valeurs et aux moments forts de la relation.e vais prendre l'exemple d'une dame que j'ai reçue récemment : on a commencé à travailler sur son héritage émotionnel. Je lui ai proposé de diviser toute cette relation en deux périodes de durées identiques. Pour chacun d’eux, elle a laissé surgir le souvenir d’un moment partagé avec son proche et à retrouvé les perceptions, les sensations et les émotions du moment. En fin de séance, ce qui est revenu, c'est que son ami lui avait transmis une façon d’être présente au monde et de s'émerveiller des choses.
Juste avant la séance, elle m'expliquait qu'elle ressentait beaucoup de tristesse en ce moment et qu'elle n’arrivait plus à se connecter justement à la beauté du monde autour d'elle. Elle est repartie en ayant senti que cette capacité était toujours là.

Une dame m'expliquait qu'elle ressentait beaucoup de tristesse en ce moment et qu'elle n’arrivait plus à se connecter justement à la beauté du monde autour d'elle. Elle est repartie en ayant senti que cette capacité était toujours là © Unsplash



Est-ce que il vaut mieux suivre le processus 1-2-3, ou peut-on arriver au 3e parce que on est déjà arrivé par soi-même à une étape précédente ?
Est-ce que c'est toi qui peut évaluer là où en est l’endeuillé ?


Nous avons un 1er échange sans engagement pour faire connaissance. La personne me partage son histoire et ses besoins et je lui explique comment je travaille et ce que je propose. Ensemble, nous choisissons ce qui lui convient le mieux.

Donc, même si elle intègre le troisième parcours, on va poser des bases qu'on aurait peut-être retrouvé dans le premier ou dans le deuxième parcours. Ce n’est pas cloisonné, ils sont là pour donner une ligne directrice et en même temps c'est un cadre qui est flexible, très personnalisé.

C'est très important car comme je disais, il y a autant de de deuil que d'endeuillés donc il n’y a pas de recette. Quand je donne une formation, puisque je donne des formations aussi, c'est la première chose que je dis aux personnes : « Si vous venez ici en espérant repartir avec une recette vous n’êtes pas à la bonne adresse, il n’y en a pas ». Tout accompagnement est hyper personnalisé.



Ce sont les mêmes programmes, que ce soit par exemple une rupture de vie, une séparation, un divorce, quelque chose qu'on vit mal, un deuil physique, ou il y a d’autres programmes ?


Non, j’ai des programmes qui sont différents.



On les retrouve sur ton site internet ?


Oui, bien sûr.

Pour contacter Patricia :
Email : patriciaferrante@en-vie.lu
Tel : +352 661 80 22 23
Site web : www.en-vie.lu

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